Europe1.fr | 12.07.2016 | Par Julien Ricotta

L’équipe de France a renoué avec son public lors de cet Euro. Mais a-t-elle été réellement soutenue en tribunes ?

INTERVIEW

Oubliez Knysna et les polémiques en tout genre : l’équipe de France a retrouvé l’amour de son public lors de l’Euro. Malgré la défaite en finale, les joueurs comme l’encadrement ont salué la ferveur populaire et le soutien des supporters. Mais en tribunes, les fans des Bleus ont-ils été à la hauteur ? Fabien Bonnel, un des leaders des Irrésistibles français, le principal groupe de supporters de l’équipe de France, dresse un constat mitigé et parfois amer de cet Euro à domicile.

  • Quel bilan tirez-vous de cet Euro dans les tribunes ?

Ça aurait pu être pire mais ça aurait dû être mieux. Mais on part de tellement loin dans le mouvement des supporters français qu’il faut qu’on arrive à se satisfaire des bons moments. Notre groupe est censé être le moteur de l’ambiance dans les stades, pour lancer les chants et que les autres fans puissent les reprendre. Mais nous n’étions que 150 à 200 par match, et malheureusement beaucoup de gens n’ont pas suivi. Beaucoup de Français sont restés davantage spectateur que supporter. Mais il y a eu des belles choses, comme la demi-finale à Marseille, où l’ambiance a été folle.

  • Les supporters de l’équipe de France sont souvent raillés sur les réseaux sociaux. Ces critiques sont-elles justifiées selon vous ?

C’est bien moins pire que ce qu’on peut lire. En termes d’ambiance, c’était mieux qu’à la Coupe du Monde 1998. Il y a une tendance au “french bashing” en surévaluant ce que font les autres pays. Les supporters français s’en sont largement mieux sortis que les Italiens ou les Espagnols par exemple. On reproche souvent aux supporters français de n’avoir que quelques chants. Mais de nombreux pays ont un répertoire de seulement cinq-six chansons. Quand on dit que le public français n’a que le “Allez les Bleus”, c’est faux. Il y a aussi le “Aux armes”, le “Qui ne saute pas n’est pas Français” ou encore le “clap France”. Il y a eu de très bons moments pendant l’Euro : quand ça poussait, ça poussait fort. Les matches des supporters, on n’en a pas perdu beaucoup.

“Chez nous, il y a plus de spectateurs que de supporters”

 

  • On a senti que l’équipe de France a été réellement soutenue durant la compétition. Vous aussi, vous avez senti une ferveur populaire ?

Non, pas du tout. Je me suis souvent demandé si l’Euro se jouait en France. J’ai fait la Coupe du Monde en Allemagne en 2006 et au Brésil en 2014. En Allemagne, pendant le Mondial, tous les Allemands avaient un maillot, il y avait énormément de drapeaux sur les rétroviseurs et aux fenêtres. Au Brésil, c’était encore plus fou : le jaune on le voit de partout, et les magasins fermaient tous quand il y avait des matches. En France, ça n’avait rien à voir. Que les gens aient aimé l’équipe de France, que les fan zones étaient pleines, c’est un fait, oui. Mais dimanche matin, avant la finale, j’ai croisé cinq maillots bleus au grand maximum quand je suis arrivé à Paris. A Marseille, avant France-Albanie, j’ai vu davantage de maillots étrangers que ceux de l’équipe de France quand je suis arrivé à la gare. Je n’ai pas senti que l’Euro se passait chez moi.

  • Mais alors, qu’est-ce qu’il faudrait améliorer pour avoir un meilleur public ?

Le problème, c’est que les supporters français poussent vingt secondes et se rassoient. Il faut que le public français chante et tienne les chants. On veut bien être la vitrine des supporters français, on assume la médiatisation autour de notre association, mais nous ne sommes que 150-200 personnes. On ne peut pas assumer les critiques qui vont à l’encontre des 20.000 autres supporters qui restent assis et ne chantent pas. Pendant la finale, c’était effarant. Quand nous avons lancé les chants, très peu de gens nous suivaient. Mêmes dans les catégories populaires, c’était faible, alors que c’était la finale d’un Euro à domicile ! Par rapport aux supporters anglo-saxons, il y a une vraie différence. Chez eux, les personnes qui vont au stade ne sont pas introverties et viennent pour soutenir leur équipe. Chez nous, il y a plus de spectateurs que de supporters. Il faut que les Français s’amusent plus longtemps et qu’ils viennent au stade pour encourager l’équipe de France.