20 minutes | 14.11.2021 | Par William Pereira | photo : IF


Les supporters français n’ont pas pu déployer une banderole contre le Mondial tous les deux ans souhaité par la FIFA. Le capo des Irrésistibles français, Fabien Bonnel, est revenu sur ce moment d’incompréhension au Parc des Princes et plaide la bonne foi du message non violent porté par les supporters français et européens.

« A nos 131 étoiles du 13 novembre ». Derrière l’émouvante banderole déployée lors de France-Kazakhstan en hommage aux victimes des attentats de Paris se cache l’histoire d’une seconde, que les Irrésistibles français, freinés par des stadiers plus zélés qu’à l’accoutumée, ont été empêchés de déployer au Parc des Princes. Le stress du contexte, sans doute. La nature du message, aussi. « #No2YearWorldCup », pas de Coupe du monde tous les deux ans, référence au projet de Mondial biennal porté par Arsène Wenger. On a pourtant vu pire dans un stade de foot, comme ne manque pas de rappeler à 20 Minutes le capo de la bande, Fabien Bonnel, qui retrace les événements de la soirée et plaide la bonne foi.

Quelle est la genèse de cette banderole ?

On avait ce projet de banderole #No2yearWorldCup, qui est un hashtag sorti par le collectif Football supporter Europe dès lors qu’Arsène Wenger​ a affirmé que les supporters étaient en faveur de la Coupe du monde tous les deux ans. On s’est dit qu’ils ne pouvaient pas travestir notre position et donc on a consulté nos adhérents en interne et sur les réseaux. A 90 %, ils se sont positionnés contre le projet de Mondial biennal, donc on ne pouvait pas laisser la FIFA clamer haut et fort partout que les supporters étaient pour. L’idée était donc de mettre en place une action ce week-end, avec Football supporters Europe, et proposer aux différents groupes de supporters qui nous y accompagnent de sortir un message avec le fameux hashtag. On ne voulait rien d’insultant envers la FIFA, pas de « FIFA Mafia » comme on peut en voir dans tous les stades, qui serait plus clivant et vindicatif.

Ca devait être une banderole pendant tout le match, ou seulement temporaire ?

La banderole était censée être temporaire, car il y avait le contexte du 13 novembre et on ne voulait pas faire de ce match une contestation. Mettre un message plus méchant que ça un jour d’hommage aurait été mal perçu à juste titre. On voulait faire passer l’avis des supporters. On a donc évoqué cette idée avec des correspondants supporters qui nous ont rétorqué qui si une telle banderole devait être validée, elle le serait par Noël Le Graët. Sauf que la position de NLG n’étant pas totalement fixée, on s’est dit que c’était mort d’avoir sa validation et que vu que notre message n’avait rien de méchant, on ferait un peu les choses dans leur dos sans accord officiel. C’est la première fois qu’on faisait ça.

Comment ça se passe, au stade ?

Quand on est arrivé, on a senti une attention particulière de la part de la sécurité sur notre matériel, en tout cas plus que d’habitude. Ils voulaient voir si on avait rentré [la banderole] et la bloquer. #No2YearWorldCup, c’était presque neutre, et pourtant on a vu de l’excitation et de l’affolement générés au moment du contrôle du matériel. La deuxième étape, ça a été au moment de l’hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, quand on a commencé à préparer la banderole pour la déployer. Quand on la sort pour la mettre en tribune, on a toute une sécurité qui nous tombe dessus et limite arrache la banderole pensant que c’était l’action contestataire qui allait sortir. Notre sécu habituelle a été obligée d’intervenir pour dire : « Hey, vous faites quoi les gars, ils sont en train de faire un hommage aux morts, détendez-vous, laissez passer ça et arrêtez de vouloir tout déchirer ». On a finalement pu faire l’hommage que vous avez vu.

Et après ça ?

A ce moment-là, on savait que la sécu était vraiment au courant pour l’autre banderole et avait pour consigne de bloquer notre action. A tel point qu’on s’est posé entre nous la question de son déploiement. On n’avait pas eu le temps de trancher que toute l’équipe de sécurité est descendue dans nos rangs pour fouiller tous nos sacs de confettis, de drapeaux et même ceux avec des sweats de notre asso qu’on vend à nos adhérents et qu’on avait amenés au stade pour ceux qui avaient passé commande.
On a vu la sécurité prendre les paquets avec les sweats pour les montrer à la caméra, du genre « est-ce que c’est ça que vous cherchez » ? Il n’y avait même pas de réflexion sur ce qu’ils étaient en train de faire, c’était dingue. Ils étaient tellement pressés et stressés qu’ils ne réfléchissaient même pas à ce qu’ils devaient faire valider.

Il n’y avait vraiment aucun doute sur ce qu’ils cherchaient ?

Ils nous disaient qu’ils étaient là pour la banderole, ils ne cherchaient pas de fumigènes, rien. On sait que la sécu nous en voudra d’avoir fait rentrer quelque chose sans son accord, mais c’était très léger en termes de contestation, fait intelligemment sans que ça puisse heurter qui que ce soit, sauf peut-être ceux qui ont parlé au nom des supporters. A part Wenger et Infantino, je ne sais pas qui aurait pu être choqué. Ils ont tout fouillé, à un moment donné on leur a demandé d’arrêter de tout déballer et de nous pourrir le match, qu’on savait ce qu’ils cherchaient. Quasiment au même moment, ils sont tombés sur le sac avec la banderole. On est sortis avec eux de la tribune et on est allé en coursive pour leur montrer son contenu. A la vue du message, certains membres de la sécurité avec qui on échangeait nous on dit : « Ah, c’est que ça ».

« Ce qui est curieux, c’est que quand les stadiers cherchaient la banderole, ils parlaient de celle « avec le hashtag ». Donc la sécu le savait très bien ce qu’il y avait dessus. Malgré tout, quand l’info est remontée au PC sécurité, ils ont fini par la garder. On a obtenu de leur part de ne pas la déchirer et de nous la rendre en fin de match parce qu’on voulait faire passer le message et que si ça gênait, on jouerait sur l’effet Streisand. Si la banderole était sortie pendant le match, ça ne serait pas allé plus loin. Ils auraient pu nous taper sur les doigts a posteriori, et ça aurait été mieux pour tout le monde. »

Comment se sont passées les autres actions du genre dans les autres stades ?

On est très proches des Belges, et leurs supporters nous ont envoyé une photo de leur banderole. Ils ont pu la mettre eux-mêmes en tribune avant le match, comme une préparation d’animation, à la vue de tout le monde, sans que ça pose problème. Ils n’ont même pas eu à la rentrer en douce. Ça n’a fait aucune vague.