Humanite.fr | 13.10.2014 | Par Nicolas Guillermin

À deux ans de l’Euro 2016 en France, la Fédération française de foot 
a lancé un club de supporters, inspiré du modèle allemand. Pas forcément ce qui a permis de battre le Portugal, samedi, en amical…Comme un écho. Un virage qui chante puis celui d’en face qui répond. Une scène banale en Ligue 1. Pourtant, samedi, c’est bien au Stade de France, où le spectateur a plutôt tendance à somnoler, qu’on a assisté à ce type d’ambiance lors de France-Portugal. Déjà début septembre, pour la rentrée des Bleus face à l’Espagne, les supporters avaient donné de la voix. La rencontre, samedi, contre Cristiano Ronaldo et ses coéquipiers l’a confirmé : l’équipe de France de foot possède désormais un kop qui occupe toute la partie basse du virage nord et entraîne le stade. Une petite révolution, à deux ans de l’Euro organisé dans l’Hexagone, initiée par la Fédération française de football (FFF). Une manière de surfer sur l’élan populaire qui a accompagné les Bleus au Brésil afin d’accélérer le développement du club des supporters de l’équipe de France né au mois de mai. De 2 500 en juin, ils sont désormais passés à plus de 4 000 adhérents. « On vise les 5 000 à Noël et 10 000 en juin prochain, glisse Florent Soulez, responsable du projet supporters à la FFF. Le manque d’ambiance au stade n’est pas une fatalité. » Le ticket d’entrée pour le club est à 20 euros l’année pour une personne seule et à 15 euros pour un supporter accompagné par 3 autres fans. Les 1 500 passionnés issus d’une des 12 associations de supporters déjà existantes ne débourseront, eux, que 10 euros. « C’est pour les remercier », souligne Florent Soulez.
Dynamiser l’ambiancePour attirer le plus de monde possible, la FFF offre aussi des services à ses adhérents. À commencer par une ristourne de – 15 % sur le billet en tribune nord basse du Stade de France. « Pour dynamiser l’ambiance. Il faut un virage reconnaissable, comme un kop. À partir de 2000 supporters, on commence à bien entendre les chants, précise Florent Soulez. Ils peuvent aller ailleurs s’ils le souhaitent. Mais ils n’auront pas la réduction. » Pour que les fans se sentent comme à la maison, la FFF a aussi mis en place une signalétique bleu-blanc-rouge pour habiller les gradins. « C’est mieux que le béton brut, s’enthousiasme Fabien Bonnel, 30 ans, l’homme au micro qui fait chanter la tribune nord du Stade de France. La machine est lancée, on est sur la bonne voie mais il faut que ceux qui s’inscrivent au club le fassent pour chanter et supporter, pas pour avoir -15 %, pointe-t-il. On est 1 500 maximum à donner de la voix sur 4000, c’est dommage. Si j’avais un conseil à donner à la FFF, c’est d’axer davantage sa communication sur l’activité dans les tribunes plutôt que sur les petits cadeaux. » « Ce n’est pas un truc marketé, on veut vraiment créer un club », répond Florent Soulez. Bonnel, lui, voit plus loin : « La FFF vise 2016, mais pour nous cette échéance n’est pas une fin en soi, on veut que ça continue après. » En attendant, l’opération « Casa bleue », qui a remporté un vif succès au Brésil, a été reconduite cette saison. Dans chaque ville où les Bleus jouent, la Fédé « rase gratis » et prévoit le passage régulier d’anciens internationaux. Face à l’Espagne, le mois dernier, les supporters ont ainsi vu débarquer les anciens de l’Euro 84 (sauf Platini). « C’était génial ! On a discuté avec Hidalgo, pris des photos », détaille Olivier Demolis, 31 ans, un supporter haut-savoyard.

Parmi les autres services offerts par la FFF, les supporters ont aussi un accès privilégié à certains entraînements des Bleus. Mais le prochain gros chantier de la Fédération, c’est la gestion des déplacements. L’instance a recruté une quinzaine de délégués régionaux bénévoles afin d’organiser les voyages. Olivier Demolis est l’un des quinze délégués. Pour le match face au Portugal ce week-end, il s’est occupé du remplissage d’un bus de 57 places au départ d’Annemasse. « Le prix était divisé par le nombre de sièges, soit 58,36 euros le trajet aller-retour avec la place dans le stade comprise, explique-t-il. C’est très attractif. On est parti à 30 et on a pris 3 personnes à Macon, 8 à Beaune, les places manquantes ont été réglées par la FFF. » Très mystérieuse dès qu’il s’agit d’argent, la FFF a refusé de communiquer le budget consacré à ce club des supporters. Tout juste sait-on qu’elle ne gagne pas d’argent dans l’opération…

La prochaine étape, ce seront les déplacements à l’étranger où, hormis le Mondial au Brésil, les supporters français ne sont qu’une poignée. « En Serbie, en septembre, pour le deuxième match de la rentrée, on était trente », se souvient le Dijonnais Hervé Mougin, 40 ans. Un appel d’offres va donc être lancé auprès des voyagistes pour proposer des tarifs négociés. Un brin méfiants, les supporters attendent d’obtenir « des tarifs intéressants, sinon on continuera à voyager par nos propres moyens », prévient Fabien Bonnel. Si la FFF a collaboré avec les associations de supporters déjà existantes et notamment la plus importante, les Irrésistibles Français (1 000 adhérents dans 81 départements), elle s’est aussi inspirée de ce que faisait les fédérations allemande ou belge pour créer notamment les casa bleues. De l’autre côté du Rhin, ils sont 50 000 à avoir adhéré au club de la Nationalmannschaft créé il y a une quinzaine d’années. En Belgique, le club de supporters fédère 30 000 fans après trois ans d’existence. « Ça fait rêver, reconnaît Hervé Mougin, le président des Irrésistibles Français. On veut créer de l’activité en tribune mais, nous ne sommes pas des ultras. On est contre les chants hostiles ou même le fait de siffler nos joueurs quand ils ne sont pas bons. Parfois, on est obligé de refaire l’éducation de certains ultras… Pour l’instant, on arrive à les cadrer mais on risque d’avoir une crise de croissance. On travaille avec le ministère de l’Intérieur. » Et les joueurs dans tout ça ? Docilement, à chaque fin de match, ils remercient leurs supporters. Normal, ils ont été briefés par le staff des Bleus…