Le Parisien | 05.07.2018 | Par Yves Leroy (avec B.M.) et V. Md.

L’équipe de France comptera sur un faible soutien à Nijni-Novgorod pour son quart de finale de Coupe du monde face à l’Uruguay vendredi après-midi

Des points bleus au milieu d’océans de couleurs adverses. Depuis le début du Mondial, les fans de l’équipe de France sont très peu visibles dans les stades. En plus d’être en sous-nombre, ils ont été disséminés aux quatre coins des tribunes lors des trois rencontres du premier tour (Australie, Pérou, Danemark), avant d’être enfin regroupés dans leur catégorie de places à Kazan. Sauf que les Argentins étaient au moins 5 fois plus que les 4 000 à 5 000 Tricolores. Vendredi à Nijni-Novgorod, 2 000 fans des Bleus sont attendus.

« La culture du déplacement autour de l’équipe de France existe mais elle est récente et se résume surtout aux Irrésistibles Français, explique Ronan Evain, directeur général du réseau Football Supporters Europe. Dans ce groupe, certains font leur troisième Coupe du monde. La FFF les soutient, mais cela se limite à un noyau. Si la Fédération n’insuffle pas le développement de cette culture, elle ne dépassera pas le cadre de ce groupe restreint. »

« Il y a une mobilisation pour suivre les clubs mais pas pour la sélection »

Hervé Mougin, président des Irrésistibles Français (1 150 adhérents dont 270 viennent en Russie), confirme un problème d’ordre culturel : « Il y a une mobilisation pour suivre les clubs mais pas pour la sélection. Dans un pays de 67 millions d’habitants, c’est étonnant qu’on n’arrive pas à remplir le quota qui nous est attribué dans les stades. »

Les prix sont une barrière mais n’expliquent pas tout. Un séjour de trois jours et deux nuits pour assister à un match du premier tour par le biais de l’agence partenaire de la FFF revenait au minimum à 1 000 €.

« L’argent est un faux problème »

« L’argent est un faux problème puisque des pays moins riches et plus éloignés comme le Pérou arrive à mobiliser ses supporters, considère Hervé Mougin. Pour 1 500 €, on pouvait faire les trois matchs du premier tour. » A condition de s’organiser soi-même, ce qui a pu faire peur, vu de France, dans un pays méconnu. Les craintes liées au hooliganisme russe, dans la foulée de l’Euro 2016, n’ont pas aidé.

Si Danois et Anglais sont encore moins nombreux, notamment en raison de campagnes de presse anxiogènes, d’autres voisins européens s’en sortent beaucoup mieux, grâce à une politique volontariste. La Belgique a mis en place des charters à tarif réduit. L’Allemagne a réservé des hôtels entiers pour réduire les coûts. La Suède a reconduit ses campings de fans. Et du côté du Mexique, les fans ne paient que leur entrée au stade, alors que leur généreuse Fédération finance le voyage…

Des renforts venus d’ailleurs

Que les Bleus se rassurent : la compétition avançant, ils vont aussi pouvoir bénéficier de soutiens venus d’ailleurs, même en dehors des tribunes russes.
Ainsi, au cœur de la brasserie Saint-Martin’s à Paris (XVe), le patron portugais, Martin, a décroché le drapeau lusitanien. « Je l’ai rangé dans le placard depuis la défaite du Portugal », confie-t-il. Désormais, c’est l’étendard tricolore qui saute aux yeux dans son établissement. « On est en France, on paie nos impôts en France, c’est normal maintenant de soutenir la France », s’enthousiasme-t-il. Comme lui, de nombreux Portugais, ambassadeurs d’une communauté estimée à 1,5 million dans l’Hexagone, sont désormais derrière les Bleus depuis que leur onze préféré a fait ses adieux au Mondial.

Idem pour des centaines de milliers de Sénégalais, Tunisiens, Marocains, Espagnols et autres Polonais installés en France. Il y a tout de même quelques exceptions à cette règle de transfert. Petit, un Sénégalais employé dans un restaurant parisien, qui ne s’est « pas remis » de la cruelle élimination des Lions de la Teranga, préfère ainsi miser sur Neymar et les siens. « Je me console avec le Brésil », souffle-t-il.