20 minutes | 04.04.2019 | Par Aymeric Le Gall

A l’aube du Mondial 2019 en France, les supporters des Bleues semblent prêts à se faire entendre dans les stades.

  • Avec deux nouveaux matchs amicaux à venir contre le Japon et le Danemark, l’équipe de France féminine entre dans la dernière ligne droite avant le Mondial en juin prochain. 
  • Cette Coupe du monde féminine devrait connaître un véritable succès populaire et les filles de Corinne Diacre peuvent compter sur le soutien sans faille des Irrésistibles Français. 
  • C’est le moment qu’on a choisi pour faire un petit état des lieux du supportérisme autour de l’équipe de France de foot. 

Ça faisait bien longtemps qu’on n’avait pas vu une telle marée humaine fondre sur le stade de la Vallée du Cher, à Tours. Habituée à accueillir dans un certain anonymat entre 2.000 et 4.000 spectateurs pour encourager les joueurs tourangeaux, la petite enceinte est pleine à craquer en ce lundi soir de mars, à l’occasion du match amical de l’équipe de France féminine contre l’Uruguay. Et encore, sur les 30.000 demandes de billets, seuls 11.000 chanceux ont pu décrocher le précieux sésame.Cette démonstration de force du public français pour un simple match amical est une très bonne nouvelle à deux mois du début de la Coupe du monde dans l’hexagone. Si les stades devraient être bien garnis en juin prochain, la seule véritable inconnue réside dans les décibels qui entoureront les matchs de l’équipe de France, alors que les Bleues disputent une nouvelle rencontre amicale jeudi contre le Japon à Auxerre (21h).

« Ce sera plein pour le match d’ouverture (contre la Corée du Sud, le 7 juin au Stade de France), il reste une centaine de places pour Nice (France-Norvège le 12 juin) et quelques centaines pour Rennes (France-Nigeria le 17 juin), mais d’ici aux matchs tout sera vendu, se félicite Florent Soulez, le « Monsieur supporter » à la FFF. Quand je suis arrivé en équipe de France il y a dix ans, le foot féminin c’était 3.000 personnes maximum pour un match avec que des invitations. Aujourd’hui on va remplir des stades à la Coupe du monde, c’est beau. Donc d’un point de vue quantité, on est très, très contents de ce qu’on a vendu à nos adhérents. De manière générale, on espère qu’il y aura une superbe ambiance pour tous les matchs des Bleues. »

Une image à dépoussiérer

Pour ça, la FFF compte en partie sur le travail des Irrésistibles Français, le plus grand groupe officiel de supporters de l’équipe de France de foot. Et si on se base sur ce qu’ils sont en capacité de faire quand les hommes de Didier Deschamps jouent à domicile, on ne doute pas que les filles de Corinne Diacre seront soutenues à fond elles aussi. Quand on lui fait remarquer les nets progrès qu’on a constatés depuis plusieurs années en termes d’ambiance autour des matchs des Bleus, Fabien Bonnel, l’un des capos des IF, ne cache pas sa fierté. « On récolte les fruits de tout le travail qui a été fait en amont », dit-il modestement.

Car en termes de supportérisme, l’équipe de France revient de loin, de très loin même, d’un temps que les moins de 20 ans n’ont jamais connu. Les petits veinards. Pendant de (trop) nombreuses années, les supporters des Bleus se sont traînés une sale réput’, celle du fameux footix, sans réelle culture foot, qui vient au stade consommer un spectacle sans jamais y prendre part. Ou alors pour faire la ola deux ou trois fois par match… Le fait que Patrice Evra se sente obligé de demander aux supporters, avant le début de l’Euro 2016, d’éviter de chanter « Et un, et deux, et trois zéro » en dit long sur l’image plan-plan qui collait alors à la peau des fans tricolores. Dans l’imaginaire collectif, le symbole du supportérisme à la française avait un nom : Clément, plus connu sous le pseudo de « Clément d’Antibes ».

« Le gros travail qu’on a fait avec François Vasseur, directeur marketing de la fédé, c’est d’essayer de changer l’image du supporter français. Et ça, ça a été aussi dur que de changer l’ambiance en elle-même, avoue Florent Soulez. Ça a été un travail de longue haleine avec les médias, avec les chaînes de télé notamment pour ne pas montrer uniquement que Clément et son coq. » Un travail payant puisque aujourd’hui, les caméras prennent l’antenne en balayant de leurs objectifs le virage du Stade de France dans lequel sont massés les IF. Plus de coq, mais des drapeaux, des tambours.

Petit à petit, les IF font leur nid

L’association des Irrésistibles Français, créée au lendemain du fiasco de Knysna, en octobre 2010, à une époque où l’équipe de France était au plus bas, a donc réussi le tour de force de faire du kop bleu un lieu festif, bruyant, qui donne le la au reste du stade. Un peu à l’image de ce qu’on peut voir dans les stades de Ligue 1 avec les ultras des virages. « On a travaillé avec la Fédé pour être reconnu comme un interlocuteur cohérent et de confiance. Le premier virage a lieu en 2012, quand la FFF a mis à la tête du dossier supporter une personne vraiment intéressée par le sujet », confie Fabien Bonnel.

Lui, c’est Florent Soulez, que nous avons cité plus haut. Sa fibre supporter, il la revendique, après des années passées au Parc des Princes, un stade réputé pour savoir ambiancer une rencontre. « C’est ça que j’aime au stade, retrouver ses potes, chanter et encourager son équipe pendant 90 minutes. J’essaye d’incarner cette vision-là au sein de la fédé et des instances et je ne m’en cache pas, je défends à mort ce côté-là. Pour moi le football c’est ça, c’est un créateur d’émotion et cette émotion elle est fonction de l’ambiance. Si je vais au stade et qu’il n’y a pas d’ambiance, je m’ennuie et je n’y retourne pas forcément. »

Pour en arriver là où ils en sont aujourd’hui, les IF et la Fédé ont bossé sur deux gros chantiers que Fabien Bonnet nous décrit.

>> Chantier n°1 : « Permettre aux supporters d’être debout en virage. Avant l’arrivée de Florent, lorsqu’il y avait un conflit entre une personne debout et une personne assise, la sécurité demandait à la personne debout de s’asseoir. Après ça, à situation identique c’était la personne assise qui était invitée à se mettre debout. »

>> Chantier n°2 : « On a eu droit ensuite d’apporter du matériel d’animation (drapeaux, mégaphones, etc). Ça a permis de communiquer visuellement en montrant aux gens qu’à cet endroit-là du stade ça bougeait et qu’il y avait une vie de supporters. Ça a attiré de nouvelles personnes vers nous. »

Et pas à pas, le travail a fini par payer. « Le premier gros virage, juge Fabien Bonnel, c’est France-Ukraine en 2013 lors du barrage pour la qualif au Mondial 2014. On s’est rendu compte que tout le Stade de France pouvait être supporter de l’équipe de France, qu’il n’y avait pas qu’un virage. Puis il y a eu une dynamique Deschamps qui s’est mise en place : le Mondial au Brésil, l’Euro 2016 et enfin la Coupe du monde 2018, qui a attiré encore plus de monde chez nous. »

Un juste milieu à trouver

Le public de l’équipe de France étant foncièrement différent de celui qu’on retrouve tous les week-ends dans les virages des stades de Ligue 1, il a fallu s’adapter et trouver un juste milieu entre la culture ultra et le côté footix un peu gnangnan post-98. Fabien Bonnel développe.

« Notre volonté a toujours été de se rapprocher de ce qui se passe en clubs tout en sachant qu’il y a des spécificités dont il faut prendre compte avec l’équipe de France. Il faut qu’on puisse satisfaire tout le monde pour que l’ambiance prenne vraiment. On ne veut pas s’enfermer dans un carcan « ultra », même si beaucoup de nos membres le sont, et laisser de côté une grosse majorité des personnes qui sont venues pour encourager les Bleus. Il faut qu’on parvienne à adapter la culture ultra, à la culture supporter en général. Ce n’est pas simple, c’est un gros taf. »

Par exemple, poursuit le boss des IF, « on ne peut pas être dans l’hostilité, dans la revendication, dans les insultés afin d’éviter de se mettre à dos les gens et des enfants qui ne sont pas venus là pour ça. » Pour rester dans la polémique du moment et dire les choses clairement, les chants homophobes, c’est hors de question. En un mot, le but est de ne garder des ultras que le côté bon enfant. « Grâce à ces personnes, qui ont cette culture en eux, ça nous permet de maintenir des chants en vie pendant de longues minutes, admet l’Irrésistible Français. Ces personnes sont hyper importantes pour nous, ils ont un vrai rôle à jouer. C’est clairement une de nos cibles de recrutement. »

Sur le point de franchir la barre des 1.500 adhérents, les IF privilégient cependant la qualité à la quantité. « Je me fous d’avoir 20.000 adhérents chez nous s’il n’y en a que 200 qui chantent », conclut Bonnel. Ça tombe bien, lors du match d’ouverture contre la Corée du Sud, ce sont près de 600 IF qui feront résonner leurs chants au Parc des Princes.