Depuis le 13 novembre 2015, Salim Toorabally est considéré comme le gardien héroïque du Stade de France. Il est en effet celui qui a empêché un massacre lors des attaques terroristes à Paris et Saint-Denis, pendant le match France-Allemagne. Les Irrésistibles Français souhaitaient, à travers cette interview, le mettre à l’honneur pour son action qui nous a peut-être sauvés.

 

Salim, pouvez-vous vous présenter et nous rappeler le déroulement des faits de cette soirée du 13 novembre 2015 ?

Je m’appelle Salim Toorabally. Je suis chef d’équipe en sécurité incendie et j’ai travaillé à de nombreuses reprises aux abords de stades de football, notamment au Parc des Princes ou à Felix Bollaert. C’était la première fois pour moi que je travaillais au Stade de France dans le cadre d’un match des Bleus. J’ai été affecté à la Porte L (porte principale et historique des Irrésistibles Français). C’était un grand honneur pour moi d’officier pendant un match aussi prestigieux. Nous venions en plus de célébrer le 97ème anniversaire de l’Armistice, deux jours auparavant.

Le matin du match, ma fille m’annonce que la rencontre s’annonce chaude. J’imaginais alors qu’elle faisait référence à l’intensité du combat qui attendait les Tricolores face aux champions du monde en titre. Mais elle ne pensait pas à cela. Ce matin-là, l’équipe allemande fut évacuée de son hôtel en raison d’une alerte à la bombe. Cette nouvelle ne m’a pas empêché d’être présent dès 18h au Stade de France. J’ai pu rencontrer de nombreux supporters français et allemands sympathiques.

Soudain, vers 20h15, je vois un individu assez nerveux, pressé de pénétrer dans l’enceinte du stade, j’ai donc interposé mes bras pour stopper sa course. Je lui demande poliment de me montrer son billet, mais il n’en avait pas. Il a alors essayé de m’embobiner en me disant qu’une personne l’attendait à l’intérieur du stade avec son billet. Je l’ai donc invité à reculer et à attendre son collègue, car il gênait le passage des autres supporters. J’ai continué de le garder à l’œil, car j’ai senti qu’il observait ma manière de travailler, afin de trouver une brèche. Il a ensuite tenté de forcer le passage devant la porte gardée par mon col-lègue. Je lui ai fait signe de le tenir à l’œil, car il avait un comportement assez étrange, même si, à aucun moment, je ne l’ai suspecté d’avoir une charge explosive autour de la taille. Il a fini par renoncer, disparaissant dans la foule. Je ne l’ai plus revu de la soirée.

Une heure plus tard, une forte détonation a retenti, le sol a tremblé, et je me suis souvenu de ce que ma fille m’avait dit le matin même. J’ai tout de suite pensé que nous étions en guerre, car cette explosion n’avait rien à voir avec celle que l’on entend habituellement dans les stades de football. J’ai alors analysé la situation en restant sur place. Mais au moment de la seconde détonation, j’ai demandé à tous les agents de sécurité de se mettre à l’abri. Puis je suis allé porter secours à trois personnes blessées, que j’ai mises en position latérale de sécurité. Au cours de la mi-temps, nous avons rassuré les gens qui s’interrogeaient sur ce qui venait de se passer, pour éviter les mouvements de panique. Mon rôle a été de calmer les choses, et de permettre aux spectateurs de suivre le match jusqu’à son terme. Il fallait faire en sorte que tout le monde regagne son domicile sain et sauf.

Cinq jours plus tard, alors que j’étais interrogé par la police dans le cadre de l’enquête sur les attentats, j’ai reconnu le visage de l’homme que j’avais repoussé. Il s’agissait de Bilal Hadfi. Ce fut un énorme choc pour moi, mais aussi un grand soulagement d’avoir stoppé celui qui aurait pu commettre tant de dégâts si je n’avais pas agi rapidement.

 

 

Avez-vous repris du service lors de France-Russie, le 29 mars dernier, pour le retour des Bleus au Stade de France ?

A vrai dire, j’ai repris le travail en février à l’occasion du France – Irlande du Tournoi des 6 Nations. Mais je n’ai pas souhaité travailler à l’extérieur du Stade, comme le soir du 13 novembre. La veille de France-Russie, je n’étais même pas certain de vouloir retourner au travail car les souvenirs difficiles restaient ancrés dans ma mémoire. Puis, après mon passage télévisé à l’émission « C à vous » sur France5, j’ai décidé d’être présent au Stade de France. Il s’agit pour moi d’une mission importante vis-à-vis de la France et de l’Europe. Je devais montrer que nous n’avions pas peur, et que nous continue-rions à aller voir des matchs de football et supporter notre équipe.
Ce soir-là, j’ai été présenté au Président de la République ainsi qu’au Président de la FFF. C’était une immense surprise et un grand honneur pour moi, mais les deux présidents m’ont fait prendre conscience que c’était surtout un honneur pour eux de me rencontrer et de me remercier au nom de la France.

 

Vous avez même pu rencontrer les joueurs de l’équipe de France ?

Tout à fait, on m’a invité à Clairefontaine et Matuidi en personne est venu me remercier pour mon geste car sa femme et ses enfants étaient au Stade de France ce soir-là. Il était très reconnaissant pour ce que j’avais accompli ce soir du 13 novembre. Tout comme les autres joueurs de l’équipe de France. Ma venue à Clairefontaine a même fait l’objet d’une Une au journal L’Équipe. C’est une grande fierté pour moi.

 

Le Kop IF est également très reconnaissant pour votre geste et vous a remis une écharpe aux couleurs de l’association…

En effet, cela m’a énormément touché. Je suis très heureux de voir que des gens me soutiennent et reconnaissent mon travail, c’est très important pour moi. Mon souhait est de permettre aux gens de ne pas avoir peur et d’aller à l’Euro tranquillement. Nous devons rester solidaires pour l’Euro et même après. En tout cas, en ce qui me concerne, je serai mobilisé pour poursuivre mes missions d’agent de sécurité incendie au Stade de France.